En 2057, soit après 10 ans d'une dictature militaire féroce, le Mali était économiquement exsangue. La grande majorité des fonctionnaires et des soldats n'avaient pas reçu de paye depuis plus de 6 mois et le taux de chômage dépassait les 50%. Mais la junte du Colonel Choguel Amani restait sourde aux suppliques de la rue et s'apprêtait à commémorer ses 10 années de règne dans des fêtes fastueuses. Cet aveuglement allait causer sa perte.

L'on ne sait qui lança l'idée, mais dès les premiers jours de septembre 2057, les canards se multiplièrent, dans Bamako d'abord, puis dans tout le pays. T-shirts à l'effigie de Donald, petits canards en plastique jaune pour les jouets des enfants, plumes dans les cheveux pour ces dames, le pays tout entier cancanait et se saluait avec des "coin-coin" retentissants. En moins d'une semaine, le régime des caïmans s'effondra sans qu'un coup de feu ne soit tiré et un gouvernement provisoire d'union nationale prît la relève de la gestion de la nation en attendant des élections démocratiques.

Inutile de préciser que "la révolution des canards" remplît de joie la diaspora malienne. Au stade des Grands Pêchers à Montreuil, fief de l'Etoile Rouge, ce furent 4 jours de fête sans interruption, plus proches de l'orgie romaine que des meetings politiques. Lorsque la fête fût finie, la question du retour au pays commença à se poser. Si pour certains revenir au mali était une évidence, pour bien d'autres les choses n'étaient pas aussi simples. Certains avaient des enfants qui étaient plus Français que Maliens, d'autres avaient une situation économique qu'ils ne retrouveraient jamais au Mali et quelques uns avaient même peur que la transition démocratique ne mène qu'à une autre sorte de dictature.

Les débats qui divisaient la communauté malienne en France avaient également lieu au sein de l'Etoile Rouge et menèrent à une division du club en deux sections. Une partie du club devait rester à Montreuil et l'autre retourner à Bamako. Ainsi fût fait, et si l'éloignement ne posa guère de problème pendant les premiers mois, la distance qui séparait les deux sections finît par se manifester dans les assemblées générales, les "français" se plaignant de devoir toujours payer pour les "maliens".

En 2059, les deux sections décidèrent donc de devenir deux clubs distincts: l'Etoile Rouge de Montreuil et l'Etoile Rouge de Bamako. Les deux clubs gardèrent des relations étroites, organisant par exemple des tournois communs, mais respectèrent à partir de ce moment une stricte indépendance juridique et surtout financière. A dater de cette époque les deux clubs n'eurent plus en commun que leur logo: l'étoile rouge, qui symbolise l'origine politique du club et l'aide sociale (une attaque frontale, à l'époque, contre la croix rouge et le croissant rouge), le canard qui symbolise l'exil et la révolution des canards, symboles auxquels se joindront en 2060 les lauriers d'or attribués par la présidence pour services rendus à la nation.